TUE 3 - 12 - 2024
 
Date: Sep 13, 2011
Author: Nadia Aissaoui, Ziad Majed
Source: MEDIAPART
 
Les soutiens du régime syrien

Après plus de six mois de contestations populaires pacifiques, le régime syrien tremble, mais s’accroche toujours au pouvoir à coup de répression féroce et de crimes contre l’Humanité. S’il arrive encore à se maintenir, c’est surtout grâce à des alliances internes et externes dont il sert les intérêts et partage parfois une vision de la politique et du pouvoir. Chronique de Nadia Aissaoui et Ziad Majed pour Mediapart.fr

 

Qui sont les soutiens au régime Assad, et quels sont les intérêts qu’ils cherchent à préserver ?

 

Au niveau interne

 

Une base communautaire : la communauté alaouite, dont est issu Bachar al-Assad constitue 11 à 12% de la population en Syrie. Le régime bénéficie du soutien de la majorité de cette communauté dont des membres occupent depuis 1970 (lors de la prise de pouvoir par son père Hafez) les postes clefs dans l’armée, la garde républicaine, les services de renseignements et le parti Baath.
Le régime a réussi pendant ses 41 années de dictature à convaincre une grande partie de la communauté du destin collectif qui l’unifie au clan Assad.

 

Une base militaro-sécuritaire : formée de centaines de milliers de membres (dont les grands responsables sont fidèles au clan familial), elle constitue une redoutable machine à tuer qui a fait depuis mars 2011 près de 2800 victimes et a blessé, arrêté et torturé des dizaines de milliers de manifestants. La garde républicaine et la quatrième division de l’armée (la mieux équipée) dirigées par Maher, le frère cadet du président, de même que les services de renseignements (dirigés par des proches dont deux cousins) et la milice des « chabiha » (les voyous du régime) constituent la colonne vertébrale de cette base.


Une base mercantiliste-affairiste : qualifiée de « complexe militaro-mercantile » et présente surtout à Damas et à Alep. Elle se compose de certains industriels et commerçants qui se sont ralliés au pouvoir depuis l’ère Assad père, de « la bourgeoisie d’Etat » formée de responsables dans l’énorme secteur public, et des nouvelles classes (les nouveaux riches) dont les membres se sont enrichis par les contrats, les pots de vins et les trafics couverts par les officiers. Ces classes, ont considérablement contribué à l’élargissement de la base sociale du régime par le passé et craignent son effondrement aujourd’hui.


Un réseau religieux : rassemblant des imams musulmans (dont le Mufti de la république) et des leaders spirituels chrétiens (dont le patriarche Grec Orthodoxe) qui tentent d’éloigner leurs fidèles de la contestation. Si les premiers échouent lamentablement, les derniers arrivent à alimenter les craintes que le régime veut propager, en évoquant tantôt la situation en Iraq (comme alternative au despotisme des Assad), tantôt la question de la « protection des minorités » que le régime a souvent prétendu assurer.

 

Au niveau externe

 

En dépit des positions de plus en plus fermes des pays occidentaux et contre les majorités des opinions publiques arabes solidaires de la révolution syrienne, certains pays et forces politiques continuent à fournir au régime syrien un soutien indéfectible. Les plus influents étant :

 

La Russie : Le régime de Damas est le seul allié stratégique de Moscou dans le moyen orient. En plus de l’existence de nombreux contrats d’armement et de coopération militaro-sécuritaire, il accueille la seule base navale russe dans la méditerranée (à Tartous).

 

La Chine : Au-delà du fait que la Chine s’oppose en général à toute intervention internationale dans ce qu’elle estime être des « questions souverainistes », Beijing considère le régime syrien comme un allié essentiel. Il est un importateur conséquent de produits chinois et les deux régimes partagent une vision du politique où la démocratie n’a pas sa place, y compris dans les rhétoriques de propagande.

 

L’Iran : La Syrie est le seul état arabe allié officiellement à la République Islamique (et ce depuis 1979). Cette alliance offre à Téhéran un accès stratégique à la méditerranée, et à Damas un soutien financier et du matériel technologique d’une grande sophistication (notamment pour le contrôle des moyens de communication et des réseaux virtuels). L’Iran entend par cette alliance et celle qu’elle construit progressivement avec l’Irak créer un axe d’influence doté d’une profondeur stratégique de poids dans la région. Par ailleurs, le régime syrien « protège » par procuration le Hezbollah libanais et lui sert de passerelle pour l’acheminement des armes et du ravitaillement militaire en provenance d’Iran. En échange de bons et loyaux services, le Hezbollah soutient le régime et s’assure de la persistance d’une partie de son influence sur la scène politique libanaise.

 

Damas profite également en creux des hésitations de certains gouvernements arabes hostiles à la démocratisation dans la région et des inquiétudes d’Israël exprimées dans la presse à plusieurs reprises. Selon cette dernière, Israël préfèrerait avoir affaire à un ennemi connu (et qui maintient le calme sur le front du Golan occupé depuis 1974) qu’au « chaos » ou à « l’inconnu ».

 

… Pendant ce temps, la révolution du peuple syrien se poursuit. Le régime semble, malgré le soutien et les complicités évoquées, jouer sa survie dans une course effrénée contre la montre. Il redouble de férocité dans la répression des manifestants.


Il a d’autant plus de raisons de s’inquiéter qu’il sait que la grande majorité de la population exige son départ inconditionnel et ne plie pas malgré tous ses crimes. Entre outre, il a bien conscience que les mesures prises par l’Union Européenne (qui lui achète près de 95% de son pétrole) et les sanctions américaines et européennes annoncées à l’encontre de son entourage sont des facteurs de fragilisation.

 

L’opposition quant à elle (surtout au niveau des comités et unions mobilisés dans la rue) reste déterminée à en finir avec plus de quatre décennies de despotisme et de barbarie. Elle montre à travers les réseaux virtuels dont elle dispose tout l’aspect déshumanisant et dégradant des pratiques du régime. Elle montre aussi le potentiel d’un peuple courageux et prêt à faire face à tous les défis, pour vivre en dignité et en liberté…

 



 
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