En 1982, le régime syrien d'Assad père a tué quelque 20.000 personnes dans la ville de Hama après un soulèvement des Frères musulmans. La ville a vécu depuis avec cette plaie ouverte et ce douloureux souvenir.
En 2011, avec le soulèvement pacifique du peuple syrien, Hama est devenue chaque vendredi la capitale de la contestation.
Assad fils, suivant la voie de son père, a lancé l'assaut contre la ville. Ses chars la bombardent depuis dimanche dernier, à la veille du ramadan, mois durant lequel les activistes promettaient de transformer chaque soirée en “vendredi”. La ville est aujourd'hui assiégée, sans eau ni électricité. Au moins 200 personnes (dont une dizaine d'enfants) y ont déjà trouvé la mort.
Malgré la propagande du régime syrien arguant de la présence de groupes salafistes armés et de plans de déstabilisation de la Syrie, malgré la campagne de marketing qu'il a lancée récemment en invitant un petit nombre de journalistes occidentaux de “confiance” (dont certains français) bien qu'aucune presse arabe ni internationale ne soit autorisée dans le pays depuis mars dernier, malgré le silence des gouvernements arabes et de la communauté internationale frôlant les limites de la complicité (contrairement à ce que répètent naïvement ou avec démagogie les adeptes de la théorie des complots « impérialistes »), les opinions publiques dans le monde entier commencent à peser sur leurs gouvernements.
Les pétitions et les pages Facebook dans toutes les langues fleurissent sur la toile. Deux pétitions pour signaler les disparus en Syrie enlevés par les services de renseignement et pour condamner les hésitations des trois pays « souverainistes » (Brésil, Afrique du Sud et Inde) qui bloquent – avec la Russie et la Chine – les condamnations au conseil de sécurité de l'ONU de la barbarie du régime Assad sont en ligne. Après l'arabe, l'anglais, le turque et le russe, une nouvelle page Facebook de la révolution syrienne existe désormais en français.
Dans le monde arabe
Dans le monde arabe, des manifestants égyptiens se sont rassemblés à deux reprises cette semaine devant l'ambassade syrienne, demandant le renvoi de l'ambassadeur du régime meurtrier, et devant le siège de la ligue arabe pour dénoncer son silence.
Des Palestiniens ont également lancé une série d'actions en solidarité avec le peuple syrien et sa révolution : des sit-in, des articles dans la presse à Ramallah, des communiqués d'intellectuels et une page Facebook intitulée «Palestiniens avec la révolution syrienne ». Les twitteurs arabes ont organisé jeudi 4 août une journée de cyber-mobilisation pour témoigner de ce qui se passe en Syrie en envoyant des milliers de messages sur le réseau.
En parallèle, et suite à l'abstention du Liban (dont le gouvernement dominé par le Hezbollah est pro-régime syrien) lors du vote sur la déclaration du conseil de sécurité condamnant la violence du régime de Damas, des intellectuels libanais (dont une majorité de gauche comprenant le musicien Marcel Khalifeh, le romancier Elias Khoury et la résistante Souha Bechara qui a passé plus de dix ans dans les prisons israéliennes) ont appelé à un rassemblement en soutien à la révolution syrienne et au peuple syrien sur la place des Martyrs à Beyrouth lundi 8 août (communiqué en français et signataires sous l'onglet Prolonger).
Avec déjà plus de 2.200 morts, 12.000 personnes toujours détenues (sur les 26.000 arrêtés), dont des médecins, des journalistes (comme Omar Al-Assaad) et des figures politiques (comme Georges Sabra), des centaines de disparus, dont des cinéastes (comme Shadi Abou Fakhr – voir l'appel de personnalités du monde du cinéma sur Mediapart), près de 10.000 personnes réfugiées en Turquie et au Liban, des milliers d'autres blessées, soignées dans la clandestinité par crainte qu'elles ne soient arrêtées dans les hôpitaux comme cela a été le cas à maintes reprises, la révolution syrienne continue et la participation s'élargit horizontalement.
Damas n'est plus « neutre » comme aux premiers mois, des manifestations se déroulent chaque soir dans différents quartiers de la ville. Voir par exemple dans cette vidéo une grande manifestation dans le quartier Midane de la ville; la manifestation a été attaquée plus tard par les membres des services de renseignements, faisant plusieurs blessés et des dizaines d'arrestations.
Même Alep a connu ces trois derniers jours plusieurs petites manifestations. Homs, Idlib, Deir Ezzour, Douma, le littoral, Qamechlo et Amouda, ainsi que la région de Deraa, là où tout a commencé, sont le théâtre de grandes manifestations chaque soir rassemblant des dizaines de milliers de personnes. Près d'une centaine de manifestants dans ces villes sont tombés sous les tirs des forces du régime. La Syrie continue donc de bouger. Tandis que le monde sort peu à peu de son silence, les Syriens et les Syriennes écrivent courageusement l'histoire avec leur sang et une volonté de fer.
Martin Luther King avait dit un matin : « En fin de compte, nous ne nous souviendrons pas des mots de nos ennemis, mais du silence de nos amis. » Ces mots résonnent en ce moment cruellement à Hama...
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